À propos

Démarche / Interdisciplinarité

Les Supports fragiles, trame musicale de Jean-Marc Baude (dadasco éditions, 2010)
[audio:https://www.helene-matte.com/wp-content/uploads/dada.mp3]

Gestes éphémères, vieillissement du corps, fuite de l’oralité, désuétude du technologique, labilité du numérique : Hélène Matte célèbre le passage de l’instant par une esthétique du deuil, qui est parfois simplement celle de la contingence. De même, elle identifie sa démarche aux Natures mortes,  au déséquilibre et à l’impermanence que leurs objets suggèrent. 

« Puis, j’aperçois que ma pratique dépend des systèmes qui l’habitent et qu’elle habite. Aussi, je réfléchie le rapport entre l’évènement, sa captation et sa diffusion. Je m’interroge sur ce qu’il y a de mort dans l’art vivant, sur ce qu’il y a de vivant dans le vain. »

Réfléchissant une histoire de l’art à laquelle plus ou moins humblement elle s’insère, Hélène Matte voudrait bien que ses « œuvres » soient autant de « vanités » plus baroques que romantiques et plus jouissives que nostalgiques. Or, si sa pratique plurielle ne vise pas une totalité fragmentaire dont elle serait le noyau, la construction de ce site Internet –exercice narcissique et s’il en est un– semble démentir cette dernière volonté. Tâchons donc de ne pas nous « faire avoir » par l’« être » et méditons sur l’adage nietzschéen disant que  « beaucoup parler de soi peut aussi être un moyen de se cacher ».

 

Mais cet impossible quant à « la-chose-qui-n’est-pas » est la seule chose qui finalement m’intéresse. Voilà ce que j’appelle encore mal, le deuil du deuil. C’est une chose terrible que je n’aime pas mais que je veux aimer. Vous me demandez ce qui me fait écrire ou parler, voilà. C’est quelque chose comme ça : non pas ce que j’aime mais ce que j’aimerais aimer, et qui me fait courir, ou attendre. Me donne et me retire l’idiome. Et le re-bon.

Claude Lévesque citant Derrida, L’Oreille de l’autre

 

Tu n’en finis plus de disparaître (2010)

Ma mère, que je l’aime en ce portrait ancien, 
Peint aux jours glorieux qu’elle était jeune fille, 
Le front couleur de lys et le regard qui brille 
Comme un éblouissant miroir vénitien !

 Ma mère que voici n’est plus du tout la même; 
Les rides ont creusé le beau marbre frontal; 
Elle a perdu l’éclat du temps sentimental
 Où son hymen chanta comme un rose poème. 

Aujourd’hui je compare, et j’en suis triste aussi, 
Ce front nimbé de joie et ce front de souci,
 Soleil d’or, brouillard dense au couchant des années.

 Mais, mystère du cœur qui ne peut s’éclairer !
 Comment puis-je sourire à ces lèvres fanées ?
 Au portrait qui sourit, comment puis-je pleurer ? 

Émile Nelligan, Devant deux portraits d’une mère