Expositions

HeleneMatte parMarcRobitaillePour la poésie comme pour la performance ou le dessin, je m’inspire souvent des Memento mori, c’est-à-dire les peintures de vanités. Elles permettent une approche philosophique de la création artistique et de la vie. Critique, mon approche accorde une importance majeure à la matérialité et à la spécificité du médium utilisé. Par le dessin et parfois la numérisation d’image, je mets en valeur les textures, fais un usage spécifique de la couleur et souligne le geste. Mes dessins sont essentiellement le fait d’observations, exécutés «sur le vif» des rencontres et des événements. Néanmoins, la reproduction de photographie permet également d’autres rapports au temps, celui de l’image différée et celui de l’immédiateté de l’action du dessin lui-même.

Poétique de la rencontre, 2014-2015

Les scènes poétiques étant des lieux de rencontres privilégiées entre poètes, j’ai troqué ma voix et ma plume contre un pinceau et une craie afin de saluer quelques poètes que j’ai eu le bonheur de croiser. Empruntant au surréalisme les stratégies du hasard objectif et de la combinaison insolite d’images, j’ai réalisé une série de portraits sans visage. Ses dessins sont inspirés de personnalités et de démarches particulières. Par leurs qualités picturales, l’éventail des teintes et la subtilité des textures, ils renouent, chacune à leur tour, avec l’idée d’une expérience unique et privilégiée, avec celle d’une rencontre.

Poètes représentés : Julien Blaine, André Marceau, Edmé Étienne, Renée Gagnon, Serge Pey, Pierre Lavallée, Dépanne Machine, Annie Lafleur, Giovanni Fontana, Jean-Claude Gagnon, etc.

Présenté à L’Institut Canadien de Québec (2014), à la librairie St-Jean-Baptiste et au Musée Vesunna (France) à l’occasion d’Expoésie 2015.

Laura et les anonymes (série en cours, 2014-…)

Série de dessins en noir et blanc explorant la subtilité des détails et l’étendu des nuances. Cette prochaine exposition mets en valeur des portraits d’inconnus ayant habités la ville de Québec à une époque révolue. Tout en soulignant la désuétude de ses photographies, elle en révèle les artisans.

Qui est Laura ? Laura est une anonyme, elle est toutefois de celle que l’on remarque. Laura, c’est l’aura : un clin d’œil au célèbre texte de Walter Benjamin L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique (1939). Dans son ouvrage, Benjamin développe la thèse que la production de masse suscite la déperdition de l’aura propre à l’œuvre d’art unique. L’aura, c’est le hic et nunc, l’ici et maintenant dans la rencontre de l’œuvre.

Un album de photos datant de la fin du 19ième siècle, acheté chez un brocanteur de la rue St-Paul à Québec, est à l’origine du projet. Reproduire une vieille photographie est quelque chose d’assez banal, j’en conviens. Néanmoins, quand on y pense, la banalité relève du prodige et c’est justement cela que je désire souligner par Laura & les anonymes. Ces photos sont anodines : parfois minuscules, déchirées, mal découpées, mal éclairées. Souvent, leur contraste a tant été atténué par le temps que le portrait disparaissant est voilé. Les personnes portraiturées sont formidablement anonymes. Par anonymes, j’entends ces individus, particulièrement les femmes et les enfants, photographiés jadis et certainement morts depuis. Or, les anonymes ce sont également et peut-être plus encore, les photographes qui ont pris ces clichés. De ceux-là, j’ai découvert avec un grand intérêt quelques « cartes d’invitations » aux versos des images : noms, logos en arabesques et adresses, rue St-Jean ou St-Joseph.  La plupart viennent de la Ville de Québec. J’habite la même ville que la famille qui tenait cet album. Nous arpentons les mêmes rues à plus d’un siècle d’intervalle.

En Berne, (série en cours, 2009-…)

Les œuvres très saturées, grotesques et empreintes de nostalgie à la fois, s’inspirent des paysages romantiques et de la Nouvelle objectivité. Elles montrent, sous des dessous colorés, les solitudes naïves d’une culture décadente : ce qui serait non pas le rêve américain mais peut-être son insomnie. Un adieu aux générations de nos parents et grands-parents ainsi qu’à l’optimisme de l’après-seconde guerre.

Vente d’inventaire, 2014

« Vente d’inventaire » présente plus de 200 tableaux et près de 500 dessins d’observations réalisés sur une période de 15 ans. Cette fresque monumentale est parsemée de statistiques saisissantes relatant des données socioéconomiques sur les arts et la culture. De même « Vente d’inventaire » ne permet pas seulement de découvrir un talent, l’exposition met à jour les conditions d’une pratique. La dimension didactique, critique et sociologique pose ainsi une réflexion sur la valeur et la place de la recherche-création à l’université comme dans la société.

Saviez-vous qu’à l’automne 2013, le Conseil des arts et des lettres du Québec a répondu favorablement à 13,1 % des 275 artistes en arts visuels qui ont demandé un soutien financier? Des informations données par hillstrategies ressources nous apprennent que 62 % des artistes gagnent moins de 20 000 $, contre 41 % de la population active totale… Au bas de l’échelle, les titulaires de diplômes universitaires en beaux-arts et en arts appliqués gagnent 12 % de moins que les titulaires d’un diplôme d’études secondaires. Aussi, les femmes artistes qui travaillent à temps plein gagnent 25 % de moins que les hommes artistes dans la même situation. Pourtant, selon l’Institut de la statistique du Québec, le secteur culturel est un des principaux secteurs d’activité économique dans la région au même titre que l’enseignement, les services professionnels et la construction.

« Rétrospective de ma production d’images présentée avec humour et ironie, Vente d’inventaire est une déconstruction du génie artistique et la mise en abime d’une pratique. C’est le processus non seulement de l’œuvre mais du devenir artiste qui y est souligné. Images, tableaux, dossier de presse mais aussi lettre de refus y sont affichés. Des œuvres mur-à-mur, ponctuées par une série de statistiques à propos des conditions des artistes et, plus particulièrement, des femmes artistes. Présentée à la salle d’exposition du Pavillon Desjardins de l’Université Laval, Vente d’inventaire a lieu alors que les programmes de troisième cycle en création sont en pleine effervescence partout au Canada. Si les universités trouvent une nouvelle clientèle auprès des artistes, pourquoi pas l’inverse ? L’encan patenté a permis d’amasser près de 1200$ pour financer mes dettes d’études : MERCI ! Qui a dit que l’art est à l’état gazeux ? Il est liquide, il est même en liquidation ! »

Deuil, 2010

image : Histoire de la philosophie (4/4)

Deuil est une exposition présentée à la fin de ma Maitrise. Les dessins sont présentés en série, les diptyques et les polyptiques  ayant été privilégiés en tant que mode dynamique de lecture.

La notion de deuil a inspiré une série d’encres et de dessins en noir et blanc. Les images chargées sont empreintes de sensibilité et mettent en évidence leur matérialité. Natures mortes, portraits post mortem, carrousels hors d’usage, cadres vacants ou images sans cadre : l’artiste fait le plein de sujets et de matières afin de signifier le vide.

Deuil n’est pas l’annonce d’une mort, mais celle d’une réconciliation avec notre inaptitude à la comprendre. C’est éventuellement une proposition du penser de la finitude opposée à une finalité du penser. C’est alors une philosophie sur papier en même temps qu’un adieu à la philosophie que l’artiste dessine. Témoins paradoxales du « désœuvrement » de la raison et des sens, les œuvres proposées réactualisent la tradition des vanitas et des memento mori propre à l’histoire de l’art. Elles suggèrent que ce qui est vain ne désigne pas pour autant un renoncement.

Le vernissage de Deuil fut aussi l’occasion du récital Chants funèbres et funestes et autres fatrasies, en compagnie de Nathalie Morissette. Cruement, entre le lugubre et le saugrenu, se trouve parfois le sublime

Le Bordel des muses, 2010

(exposition collective initiée et coordonnée par Hélène Matte)

image : Origine et fin du monde selon Courbet et Matte

Thème rassembleur, pour ne pas dire racoleur, Poésie libertine est idéal pour une exposition de groupe Mais qu’est-ce que la poésie libertine ? On pourrait croire qu’il s’agit de textes érotiques, produits d’une verve (pour ne pas dire une «verge», car ses auteurs sont plus souvent qu’autrement masculins), d’un esprit  lubrique et débridé aurait couchée sur papier. Oui. Néanmoins la poésie libertine n’est pas que le témoignage impudique du désir charnel ou de mœurs sexuelles hétérodoxes. La littérature libertine a sa philosophie, ou plutôt ses philosophies, car c’est se méprendre que d’en faire un dogme ou un système. En marge des courants de pensées officiels, celle des autorités en place comme celle du « gros bon sens » populaire, elle a une histoire.

Au début du 17ième siècle, le mode de vie libertin est florissant. Le poète Théophile de Viau l’incarne bien tant par sa vie joyeuse et débauchée que par ses textes dits « gaillards » tels que ceux du Parnasse satyrique. Néanmoins les autorités morales de l’époque s’en prennent à la littérature grivoise. Le poète Claude LePetit est brûlé au bûcher en 1622 pour avoir publié le burlesque Bordel des muses. Le procès de Théophile débute l’année suivante pour se terminer deux ans plus tard. Condamné à l’exil, il meurt peu après. Ce procès marque l’avenir de la littérature libertine. Gianni Paganini le remarque : les poètes qui « reprennent à leur compte les grands thèmes de la période libertine « triomphante » [la rime dévergondée mais aussi la critique de la religion et de l’immortalité de l’âme, l’anatomiste et le hasard, la vicissitude continue des êtres], le font en donnant à leurs œuvres une empreinte profondément pessimiste ». Par rapport à Dieu, la perspective athée et matérialiste est presque abandonnée au profit d’un « déisme » ou d’une « religion naturelle », tous aussi proscrits mais moins radicaux. L’autocensure sinon la censure devient affaire courante et le mode de diffusion des textes sans compromis se fait « sous le manteau ». De même, la « poésie libertine » réfère autant à la sensualité coquine qu’à la répression sociale, à l’intimité comme à la clandestinité.

Cette histoire de la littérature libertine et de sa poésie nous apprend comment s’est constitué une catégorie de l’obscénité aux 17ième siècle, comment celle-ci était prétexte à combattre l’impiété jusqu’à devenir un critère esthétique. Se pencher sur la poésie libertine ce peut donc interroger l’« obscénité ». Dans De la Séduction (1979) Beaudrillard avance : « notre culture, dont l’obscénité est la condition naturelle ; culture de la monstration, de la démonstration, de la monstruosité productive ». Qu’est ce donc que le libertinage aujourd’hui ? Comment le situer par rapport à une société où la quantité d’information est parfois plus grotesque que son contenu; où l’abondance rend indifférent ou camouffle des détails qui font la différence ; où le scandale est normalisé par des stratégies de communication ; où le marché dominant récupère jusqu’à la marge ? Avec leur rationalité critique conjuguée à une revendication pour les « plaisirs naturels » et le loisir, nous pourrions croire que les libertins sont précurseurs de notre société de consommation laïque et sociale-démocrate. Sommes-nous à ce point « libérés »? Des « chasses aux sorcières » sont au programme des cartes géopolitiques actuelles et la masturbation est un sujet récemment censuré par la radio d’état. De tout temps, la véritable indécence ne serait-elle pas l’intolérance campée sur un pouvoir autoritaire ?

sources :

Gianni Paganini, Les philosophies clandestines à l’âge classique, Philosophie PUF, Paris, 2005

Jean-Christophe Abramovici, Le Livre interdit, Payot et Rivages, Paris, 1996

Michel Onfray, Contre-histoire de la philosophie, Tome 3, Libertins baroques, Paris, Grasset, 2009

L’immédiat en différé , 2008

Photos et vidéos voir section Performance

Mes Vieux,  2006-2008

2001 _Des flics et des poupées

Québec recevait le Sommet des Amériques en avril 2001. Les chefs d’états se rassemblaient tandis que les quartiers étaient clôturés, barricadés. La répression et ses excès se sont déployées et ont débordée sur une population entière. Les habitants de St-Jean Baptiste ont subi les effets des gaz lacrymogènes et de cette violence longtemps après ces jours de siège.

Quelques mois avant les évènements, je présentais Des flics et des poupées, une exposition mettant en scène d’une part des hommes en uniformes, et d’autre part, des fillettes. Entre la représentation de la loi et l’ordre, et la nostalgie d’une naïveté perdue, c’est nos choix et notre devenir qui y sont mis en perspective.

Si loin si proche, 2004

Une série d’impressions numériques grands formats à partir de dessins rehaussées de collage ou de sérigraphie. Une exploration des possibilités de l’agrandissement d’images mettant en valeur les textures des papiers et la gestualité du dessin.

images avec dimension et titre

Illustrations, 2000

Série de dessins noir et blanc agrandis par planicopies (grands formats)

Les chiens

« Entre 1999 et 2008, particulièrement lors de mon passage en France en 1999, j’ai fait des croquis de chiens à partir des tableaux et des sculptures rencontrés dans les musées. Je rêve toujours d’en faire une fresque. »

Vergeist mein Neich Petite fleur bleue

L’Impasse des deux anges, 1998

«  Une mélancolie lucide devient volonté / Une fillette tient une poupée / une marionnette / La fillette tient sa tête au bout des fils / La marionnette tient une marionnette / Poupées gigognes suspendues / Mise en abime d’une seule / Une qui est toutes celles / Se tenir suspendue / S’articuler pour devenir / Devenir pour toutes celles / Une représentation de l’enfance / l’innocence pas tout à fait innocente / un devenir qui se saisit de lui-même / Le Bleu, pour la nostalgie/ surtout le bleu pour l’immensité / l’étendu de la palette / le plus grand rayonnement de nuances et de teintes/ le plein de possibles / Devenir sa propre mère / Au revoir l’enfance »